Propos de SEM Rivo RAKOTOVAO, Ministre auprès de la Présidence chargé de l’Agriculture et de l’Elevage, recueillis par Mirana Ihariliva du journal l’Hebdo le mardi 24 janvier 2017.

Profil : « A L’AISE DANS SON DOMAINE. Economiste financier de formation à l’Université d’ Antananarivo, Rivo RAKOTOVAO fait la navette entre le secteur privé et le secteur public. Ayant travaillé pour la Société d’intérêt National des produits agricoles à une certaines époques, il a été opérateurs dans le monde rural pendant des années. L’actuel Ministre en charge de l’Agriculture et de l’Elevage a été Ministre de l’Aménagement du Territoire, conseiller technique et chargé de mission de quelques ministères. Il prône le partenariat entre le secteur public et celui privé, car il se dit avoir été un acteur direct du monde rural. Il parle tous les dialectes de Madagascar »

« Avançons vers la transformation du monde rural »

Faire de l’agriculture et de l’élevage des activités impactant réellement sur l’économie nationale, tel est, entre autre l’une des politiques évoquées par le numéro un du ministère auprès de la présidence en charge de l’agriculture et de l’élevage. Un entretien économique ni la politique ni le HVM n’ont  eu place.

 

Commençons par le peu qu’on a et tout de suite.

L’Hebdo : La première question qui vient à l’esprit et que bon nombre de gens se posent est la suivante : comment expliquez-vous la disparition de notre cheptel bovin ?

Mr le Ministre : Premièrement, il est important de souligner que les abattoirs dits « chinois »,  c’est-à-dire,  ceux  à but d’exportation de viandes de zébus ont été fermés  depuis juillet 2016. La mise en place et l’exploitation de ces abattoirs, dans la capitale et dans  l’Ihorombe notamment, ont suscité des réactions et des malversations et aggravé l’insécurité rurale liées au vol de zébus. Ensuite, il y a lieu de préciser que des mesures ont été prises pour réduire toute forme de commercialisation illicite autour du cheptel bovin, qui est en étroite relation avec la culture malgache. Mais à ce titre, les malgaches connaissent-ils suffisamment alors la valeur économique des zébus ? Aujourd’hui, ils ont quelque peu disparu car si l’on demande à un éleveur réputé  possédant des milliers de têtes de nous en livrer 100 par exemple, il ne les a pas. Les bœufs sont soit volés soit victimes de trafic illicite, soit ne sont plus en mesure de donner naissance à de bonnes races. Les souches des diverses races existant à Madagascar sont mélangées et ne donne plus de beaux zébus, ni de belles vaches. La loi interdit la commercialisation ou l’abattage des vaches, justement afin de garder au moins la continuité des races. Les éleveurs en majorité ne se soucient pas tellement de l’ «élevage » proprement dit en négligeant cette problématique de souche, les questions phytosanitaires, bref, toutes  les bonnes  conditions d’élevage de bovidés. Aussi le cheptel  bovin n’est-il pas assez considéré comme un produit économique.

L’Hebdo : Est-il possible d’avoir un quelconque chiffre sur le nombre de nos bœufs actuellement ?

Mr le Ministre : Justement, il est impossible d’avoir un chiffre exact vu le contexte. Un tel peut avancer trois millions de têtes, et un autre une prévision de huit millions lesquels peuvent changer du jour au lendemain car il faut tenir compte des vols, des trafics, des vaccinés et non vaccinés ainsi que des commerces entre propriétaires qui ne passent pas par les représentants de  l’Etat dans les Districts. Pourtant, il y a actuellement  une forte demande de zébus sur pied et de viandes ne serait-ce que de la part de Comores. Il y a, par ailleurs, tout un problème de traçabilité, raison pour laquelle nos viandes ne sont pas valables  sur le marché européen. La situation est telle qu’on ne peut prendre le risque d’exporter nos zébus pour le moment, même si le marché est fort intéressant. Déjà que le marché intérieur est difficilement même si pour la capitale on assiste à près de 400 abattages par jour. Les bonnes races pour la consommation  se font rares alors qu’il y a une forte demande. Ainsi ne nous étonnant pas si le prix d’un kilo de viande de  zébu est élevé. Nos zébus ne pèsent que 200 kg en moyenne alors que ceux du Mozambique, ont 500kg. Leur  vache arrive à donner 15 litres de lait et  la nôtre 5 litres au maximum. L’élevage bovin a été trop longtemps contemplatif et non professionnel.

L’Hebdo : Quelles réponses alors à tous ces problèmes ?

Mr le Ministre : L’Etat essaie actuellement de professionnaliser l’élevage de zébus qui répondrait ultérieurement à un marché vaste mais exigeant. Une professionnalisation qui commence par la création de « ranches » ou Valabe afin de maîtriser, ne serait-ce que dans certaines régions, les conditionnalités de ce qu’on appelle « élevage de zébus ». Je citerai Bongolava et Ihorombe. Nous avons mis en place le Fonds d’Elevage (FEL) pour appuyer nos éleveurs qui doivent respecter un cahier de charges claire sur les souches, les fourrages, les questions sanitaires et autres. Des puces électroniques  seront bientôt utilisées afin d’obtenir  des statistiques fiables et à jour.

 

L’Hebdo : Qu’en est-il des autres exploitations d’animaux qui pourraient peser fort sur l’économie nationale ?

Mr le Ministre : L’élevage de poules pondeuses a fait un bond fulgurant. C’est une activité qui intéresse les Malgaches, urbains et ruraux. Les grands opérateurs entre en partenariat avec ce que nous appelons les « petits opérateurs » du secteur et il est très   facile pour un petit  opérateur de posséder  1000 poules pondeuse en un temps record. Nous dispensons des formations par le biais de la Maison du petit élevage. Notre Ministère appuie également  les activités tournant autour des petits ruminants comme les chèvres. L’Arabie Saoudite en demande des milliers, mais malheureusement nous ne les avons pas encore. Toutefois, nous travaillons avec les éleveurs d’Ampanihy et nous procédons de la même manière qu’avec  les zébus. C’est-à-dire la professionnalisation de l’élevage des petits ruminants, d’abord dans une localité donnée. Un cahier de charges clair est établi entre l’Etat  et les éleveurs, et on leur accorde un accès au Fonds d’élevage. Nous cherchons même des partenaires  pour la mise en place de laboratoires aux normes afin d’aider nos  vétérinaires dans les questions phytosanitaire.

L’Hebdo : Parlons du riz, nous. Nous continuons encore et toujours à en importer. Qu-en est –il de notre politique rizicole ?

Mr le Ministre : C’est un travail de longue haleine que d’atteindre 7 ou 10 Tonnes à l’hectare comme d’autres pays asiatiques. Toutefois, le ministère applique la méthode RRI pour arriver à des objectifs. Je tiens à souligner que c’est une méthode qui a de bons côté, car elle présente clairement des objectifs, des activités et des résultats avec des échéances précises. L’objectif est d’accroître la production agricole, mais nous appliquons la méthode RRI pour atteindre des sous-objectifs afin d’arriver à cet idéal. Il n’est pas question de réaliser des barrages ou autres infrastructures en quelques mois mais arriver à réaliser à de petits échelons des drainages ou de meilleures irrigations par exemple. En outre, nous avons comme leitmotiv de ne pas attendre que tout soit parfait pour obtenir des résultats. Commencer par le peu qu’on a et tout de suite. Le ministère a mis en œuvre la « caravane de fertilité ».

L’Hebdo : Qu’est-ce que la caravane de fertilité ?

Mr le Ministre : C’est une campagne de prospection de sols adaptés à la culture de riz. En effet, plusieurs hectares de nos terres et rizières ne conviennent plus à la culture du riz, mais les agriculteurs continuent à les utiliser. Des sols qui conviendraient plutôt à la culture de maïs ou autres produits agricoles. Cette caravane de fertilité appuie également les agriculteurs dans le choix des semences et compost adaptés aux différents types de sols. Le NPK 16 22 16 par exemple ne convient plus à plusieurs types de sol, mais les agriculteurs continuent d’en utiliser. Le département procède en ce moment à des activités de planages de terrain. Nos agriculteurs continuent, en effet de croire que tout type de terrain convient à la culture de riz ou autre système de riziculture intensif. Nous sommes en partenariat avec le Maroc dans ce projet. En outre, nous allons bientôt redynamiser le travail des animateurs ruraux en agriculture et élevage pour faire connaître les nouvelles techniques  de culture rizicole. Dans deux ou trois ans, on pourrait  espérer assister à une autosuffisance en riz.

L’Hebdo : Que pouvez-vous nous dire sur le changement climatique et nos productions agricoles ?

Mr le Ministre : L’insuffisance de la pluviométrie impacte sur les productions agricoles et rizicoles. J’ai en effet lancé une proposition de solutions de pluies artificielles, pour l’Alaotra. Les conditions malheureusement ne sont pas réunies pour les provoquer. Nous ne sommes pas maîtres de la nature mais tout est question de prévision en matière de météorologie. Toutefois nous espérons bientôt un dénouement de ce problème. Avec le Ministère de l’Environnement et nos chercheurs du FOFIFA, nous avons découvert une variété de riz résiliente, appelé « Madikatra », un projet entamé dans l’Alaotra il y a cinq ans, et qui porte de résultats probant, car cette variété de riz résiste, à bonne ou à mauvaise maîtrise d’eau. C’est un riz à cycle court, moins de trois mois, qui a été produit depuis deux campagnes déjà. Les agriculteurs ont l’habitude de produire en cycle long du riz type « Makaolika », mais ils sont convaincus des résultats du « Madikatra » après des démonstrations et des sensibilisations. Selon le programme national de vulgarisation agricole, le ministère travail de concert avec tous les acteurs pour lutter contre la détérioration de l’environnement.

L’Hebdo : Y a-t-il une politique pour les jeunes ruraux ?

Mr le Ministre : La politique de la professionnalisation des activités autour de l’Agriculture, et de l’Elevage ne concerne pas seulement les jeunes,  mais tous ce qui veulent entreprendre dans ces activités. Quinze millions de personnes vivent directement d’Agriculture et d’Elevage, et d’eux dépendent 22 millions de Malgache. Ces quinze millions de personnes ne doivent pas seulement penser à leur survie et travailler pour leur autoconsommation mais voir plus loin pour des exploitations économiques à moyen et long terme, dans dix quinze et vingt cinq ans. Dans certains secteurs et dans certaines localités, nous entamons des projets de réorganisation totale dans les techniques, les types de sols à exploiter, les semences adaptées et surtout l’accès au marché. Des femmes agricoles sont développées où il est possible d’effectuer des démonstrations de techniques, des productions, des commercialisations et des ventes directes. Le but étant de mettre ces femmes à proximité des producteurs, et réduire ainsi l’écart entre les producteurs et les consommateurs. Les producteurs ne sont plus obligés de parcourir des kilomètres pour vendre leur produit. Encore une fois tous ces projets reposent en grande partie sur la mission des animateurs ruraux en Agriculture et en Elevage. Avançons alors vers la transformation du monde rural.

 

L’Hebdo : Que fait le Ministère de l’Agriculture face aux problèmes de malnutrition qui affecte 47% de la population ?

Mr le Ministre : Il ya plusieurs facteurs mais le problème réside encore dans le fait d’entreprendre encore des techniques agricoles archaïques, de l’agriculture familiale, et des productions pour l’auto consommation non variées. Toutefois plusieurs partenaires œuvrent pour améliorer la situation. Mais de notre part nous feront incessamment appel aux animateurs ruraux en Agriculture et Elevage pour sensibiliser sur l’éducation nutritionnelle.

L’Hebdo : Que peut-on faire pour améliorer l’accès au crédit pour nos agriculteurs et éleveurs ?

Mr le Ministre : Les institutions de micro finances ont encore du chemin à faire car jusqu’ici 15 à 20 millions de  personnes seulement ont accès à des prêt financiers. Il faut considérer deux points : le taux encore élevé des remboursements dont le minimum est de 1.8% par mois qui est encore élevé pour nos agriculteurs et éleveurs ; et le risque que prennent ces institutions de proximité : taux de rentabilité, mauvaise foi, non remboursement ou autres. L’Etat en partenariat avec le GIZ par exemple est en train  de voir le côté « assurances » de ces prêts en bonifiant les taux d’intérêt. Les institutions de micro finances sont des partenaires privilégiés de l’Etat en raison de leur capacité de proximité, qui réduit les spéculations en tout genre, ne serait-ce que dans les locations de terrains en milieu rural.

 

L’Hebdo : Qu’en est – il de nos grandes infrastructures laissés à l’abandon pour ne citer que le plus grand barrage du pays Dabaraha ?

Mr le Ministre : La mise en place de ces infrastructures allait de pair avec la création de société d’Etat comme SOMALAC ou FIFIABE. Elles ont été laissées à l’abandon, en effet, suite à la fermeture de ces sociétés. Ce n’est pas une mince affaire de les entretenir, vu leur vétusté et leur envergure. Il est pratiquement impossible pour les paysans agriculteurs et éleveurs d’en prendre soin, compte tenu du montant des entretiens. Pourtant, il faut souligner que les divers projets n’ont pas pour mission d’entretenir des infrastructures mais d’en construire. Celles-ci ont besoin d’un schéma directeur clair dont la réalisation dépend de la collaboration entre plusieurs entités, les associations des usagers de l’eau, les associations et groupements de paysans, des partenaires financiers et de l’Etat Malgache. Quitte à créer une nouvelle forme de société d’Etat avec des structures d’exploitations bien précises.

L’Hebdo : Le Ministère de l’Agriculture et de l’Elevage est un domaine où beaucoup de financements et subventions ont été injectés. Quels résultats escomptés ?

Mr le Ministre : En effet on enregistre encore un taux de pauvreté encore élevé dans le monde rural. Les producteurs sont des producteurs pendant trois mois pour devenir pendant neuf mois des consommateurs. Nous avons beaucoup appris du passé pour pouvoir avancer vers l’avenir. Il est temps de transformer le monde rural malgache pour un développement équilibré. Personnellement j’essaie de toucher la fierté de chacun des membres du personnels du ministère que je dirige en leur disant qu’on peut améliorer toutes les situations afin d’être fier de ce que nous avons accompli.

 Source:SICD/DSI/MPAE
Date:07/02/2017
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